Toute affairée aux travaux de mon futur atelier, je n’ai pas beaucoup de matière à partager en ce moment. Alors en attendant la période des nouveautés, j’ai bien envie de revenir sur le dernier stage que j’ai animé. Un stage pour lequel j’ai voulu tenter une nouvelle expérience, et qui s’est révélé enthousiasmant et réjouissant!
En mars dernier, alors que j’étais invitée par l’IEAC de Guebwiller (Institut Européen des Arts Céramiques) pour animer un stage de modelage de personnages, j’ai eu l’envie d’associer la pratique du Feldenkrais à l’apprentissage de la poterie.
Feldenkoi ?
La méthode Feldenkrais, développée par le Dr Moshe Feldenkrais, traite l’humain dans sa globalité. Il s’agit d’utiliser le mouvement pour prendre conscience de notre corps. Cela passe par des sensations fines et des mouvements doux, en conscience.
Quel rapport avec la choucroute ?
Dans le modelage de personnages, mon approche n’est pas très visuelle car la représentation d’images mentales n’est pas très précise chez moi. Je fonctionne donc par concept, par idée, puis au moment de la conception, je passe par le mimétisme et le toucher.
C’est comme ça qu’on retrouve une adulte dans son atelier en train de faire la danse de la pluie ou de jouer à l’enfant qui fait l’avion…
Il y a quelques temps, j’ai découvert la méthode Feldenkrais avec ma kiné, Jeannette Motz. J’ai réalisé que cette pratique permettait justement de prendre conscience des mouvements et des postures du corps de manière très fine. On observe intérieurement le léger décalage d’un bras ou d’une jambe, la subtile torsion de la colonne, le petit soulèvement de la cage thoracique, et l’endroit précis où se jouent les appuis et les équilibres. Cette observation qui ne passe par les yeux, peut nous apporter beaucoup lors de la réalisation de sculptures.
Le stage
C’est comme ça que j’ai embarqué ma kiné dans l’aventure ! Les séances de 45 minutes se sont déroulées tous les matins, avant de commencer la journée.
Le stage a débuté avec la fabrication d’un bol afin d’amener une première prise de contact avec la terre, la méthode du colombin et différentes techniques de décor. Les jours suivants, nous avons réalisés des personnages de petite taille par modelage dans la masse, puis de plus grands personnages grâce à la technique du colombin.
Plus que la justesse anatomique, le but était de donner vie à ces sculptures. Comment exprimer les mouvements et les émotions à travers des œuvres destinées à rester figées par la cuisson ? Les séances de Feldenkrais ont aidé à saisir l’importance des micro-mouvements, et à passer directement du ressenti corporel au modelage.
Afin d’entretenir la spontanéité, de lâcher un peu la technique et de libérer le geste, j’ai ponctué le stage de petits jeux rapides à l’issue desquels la terre était systématiquement recyclée. Plus de crispation quant à l’attente de résultat ou la peur de gâcher la matière ! Il s’agissait par exemple de faire de très courtes séances de poses pour réaliser des « croquis en terre » ; de modeler des petits personnages interagissant les uns avec les autres sans explication préalable (à la manière du cadavre-exquis) ; de faire deviner aux autres l’émotion d’un personnage en quelques secondes, et bien d’autres !
Alors ?
Tous ces aspects ont rendus le stage très vivant, et ont favorisé les temps d’échange et de partage.
Les séances de Feldenkrais ont apporté bien plus que ce que j’attendais ! Non seulement elles ont facilité la compréhension du corps et des mouvements, mais elles ont aussi été l’occasion d’apprendre les bonnes postures pour travailler la terre en douceur pour nos propres corps. Elles ont aussi installé une cohésion de groupe et un ancrage individuel dès le début des journées. Chaque jour, nous pouvions ainsi nous mettre au travail dans un sentiment de connexion à soi et aux autres.
Le résultat ? Des sculptures vivantes et une très bonne ambiance de stage, animée de rires, de conseils et d’échanges passionnants !
Merci à l’IEAC de m’avoir laissée expérimenter cette nouvelle recette, merci à Jeannette d’avoir relevé le défi et merci aux stagiaires pour leur bonne humeur et leur ouverture d’esprit (et pour leur autorisation pour la diffusion des photos)